La Transat, une belle aventure familiale
- charlotteverger
- 15 janv. 2023
- 9 min de lecture
Dernière mise à jour : 21 juil. 2023
Nous nous sommes longtemps demandés comment nous allions décrire cette aventure particulière et avons pris le temps de la réflexion et le temps et les jours passant, nous avons décidé de décrire notre transat chacun comme nous l'avons vécue et avec un peu de recul et de digestion !
La transat vue par Rod :
Une navigation où à défaut d'aller le plus vite possible, l'exercice de la bonne gestion a été assez intéressant à faire. Un peu comme une course de régularité en voiture en quelque sorte, enfin j’imagine car je n’ai jamais fait ça (non plus). Bref, objectif : assurer une bonne moyenne tout en préservant au max le bateau et l’équipage.
Rapidement, avant le départ, je suis arrivé au constat qu’une moyenne quotidienne autour des 170 MN était une bonne « target » pour cette transat en famille. (Cela correspond à un peu plus de 7 nœuds de moyenne sur 24h). Aussi, pour assurer cette moyenne avec notre bateau nous n’avons pas forcément besoin de beaucoup de vent donc le choix du créneau météo, au moins pour la première partie du parcours couverte par la prévision, s’est porté avant tout sur une météo « facile ».
Ce créneau semblait se dessiner autour du 7 Novembre avec un alizé installé mais encore assez mou (autour de 12-14 nœuds). Du côté de la Mer, une très grosse dépression située au milieu de l’Atlantique Nord générait une longue houle de N pour le début de parcours. Houle croisée avec la Mer du vent mais très longue donc pas gênante pour nous.
Décision fut donc prise pour un départ le lundi 7 novembre en fin de matinée.
Les premières 48h se sont faites sous gennaker puis, le vent adonnant, nous avons alterné spi et foc tangonné avec grand-voile haute ou un ris. Et c’est parti pour la découverte des alizés dans un long bord tribord amure !
Le vent et la Mer sont conformes aux prévisions et je découvre les variations non négligeables de l’alizé en force et direction tout au long de la journée et de la nuit. Mais dans cette première partie de parcours, pas de grains à l’horizon, juste des sargasses. On file donc tranquillement la journée en réduisant la nuit tout en assurant sans problème nos 170 milles quotidiens. La prochaine échéance est l’optimisation de la route en plaçant au mieux 2 empannages pour profiter au mieux de la rotation de l’alizé vers l’Est au fur et à mesure de notre avancée. Ceci fait, nous nous retrouvons pour un dernier bord tribord amure, cap sur la Martinique, toujours dans du vent medium et avec environ 600 milles restant à parcourir.
Côté météo, une onde d’Est est en train de se former derrière nous ce qui devrait amener du vent fort mais après notre arrivée. Nous commençons à rencontrer nos premiers grains la nuit avec un vent qui passe de 15-17 à 22-25 nœuds. Ça passe avec un ris et foc tangonné.
Un évènement viendra cependant perturber notre métronome alizéen. Je ne sais pas si cela est dû à l’arrivée de l’onde d’Est mais nous avons subi une véritable « panne » d’alizé pendant une journée (avec quelques prémices la veille). En résumé plus de vent d’un coup mais toujours avec de la Mer et la houle de l’atlantique, dur dur à vivre surtout après la fatigue quand même accumulée par cette bonne semaine de navigation à 2. Mais on a rien lâché comme dirait l’autre et on a réussi à raccrocher l’alizée (tout du moins c’est ce qu’on pense) après moulte changements sur une journée (moteur, spi, gennak puis foc tangonné !). Pendant cet épisode, nous avons cru à un moment nous faire rattraper par l’onde d’Est qui a généré des vents de 35 nœuds avec rafales à 45 dans les grains d’après les témoignages de bateaux partis en même temps que nous et qui se sont retrouvés dedans.
Après cet épisode, l’alizé est revenu et seule la présence de grains la nuit en quantité importante et générant une trentaine de nœuds de vent est venue pimentée les 3 derniers jours de notre navigation.
En résumé, mission accomplie avec une moyenne de 170 Milles par jour sur la route directe ! (un peu plus on prenant en compte la route réellement effectuée, plus longue de 150 milles environ).
Et surtout, bateau et équipage au top à l’arrivée !
La transat vue par Charlotte :
Forcément de l’appréhension ! Même si les navs du golfe de Gascogne et Canaries/Cap Vert ont été une mise en jambe et se sont bien passées : et le sommeil sur le plus long terme, et la vie à bord, et les repas, et la météo, et surtout s'il arrive quelque chose de technique ou humain en plein milieu...?! Beaucoup de questions qui sont les mêmes depuis plusieurs mois et pas de réponse tant que ce n'est pas fait ! Pendant longtemps j'avais presque hâte que ce soit fait et que le sujet soit clos !
Les jours précédents, la pression monte un peu mais au moins la météo est rassurante et on sait à peu près qu'il n'y aura pas de grosses conditions, c'est déjà ça ! La dernière soirée tous les trois dans notre cocon se fait au resto de la marina. Je prends un gin to pour essayer de me détendre !
Matinée de départ bien occupée : plein d'eau, facture de la marina, change des escudos, derniers téléchargements sur les téléphones et mini appro de dernière minute pour un dernier tour dans Mindelo ! Oscar, lui, a le droit à un dernier sprint de dernière minute sur le ponton pour se défouler
Finalement, on est largué à 12.00, c'est parti ! Premières heures rassurantes et gérables le long de Santo Antao. La première soirée arrive vite. La première nuit aussi et finalement les premières 24H. Je trouve qu'on prend assez vite un rythme agréable et tout le monde est plutôt à son aise. Est-ce que ça va continuer ? 2ème journée toujours extrêmement gérable et agréable. L'anxiété et l'appréhension diminuent un peu. Je me lance dans du pain, de l'école , ...?! Incroyable, improbable ! Je n'aurais jamais cru pouvoir faire tout ça en transat ! Les premiers jours passent sur ce rythme plutôt cool. Relevé tous les jours à 12h. On avance bien, 165-175 MN quotidiens, reglé comme une horloge par le capitaine ! DESIRADE est sur des rails ! Je kiffe les levers de soleil de mes quarts 6-9. On a trouvé depuis un moment ce rythme avec Rod. Je vais me coucher tôt, vers 20h30-21H et je commence ma journée à 6h après avoir redormi de 3 à 6 et plus ou moins une petite sieste la journée. J’ai la chance que 2-3 heures d’affilée soit hyperréparatrices et que 20-30 min dans la journée soient également ressourçantes. On passe souvent un petit moment privilégié quand Oscar se lève, encore un peu ensomeillé entre 6 et 7, et que Rod dort encore. On s’active un peu le matin : rangement de la nuit, toilette de chat, popote... Déjeuner léger le midi et école après un petit temps calme pendant que Rod fait une bonne sieste. On retrouve un vieux magasine de mots croisés et de mots fléchés qui nous occupe un bon moment et sur tout le long ! Le milieu d’am et la fin d’am arrivent vite. Le soleil tombe doucement, le repas du soir est anticipé et se prépare. Selon les besoins, on prend un ris en prévision de la nuit. Diner relativement tôt pour aller me reposer et dormir jusque minuit.
Le milieu arrive vite finalement ! Tout s’est bien passé et continue à bien se passer ! Je rigole toute seule et enchaine-les « Par Jupiter » puis « C’est encore Nous » pendant les quarts de 0 à 3. Charline et sa bande m’ont vraiment accompagnée tout au long ! On organise un petit rituel de lancer de bouteille à la mer grâce à un joli message et une bouteille de Breizh Cola confectionnés par mes collègues de l’hôpital ! Qui sait si on aura une réponse ?!
Une nuit plus compliquée, sans vent, survient aux 2/3 environ. Avec le recul, c’est pour mon moi le pire moment de la traversée. La bôme qui se balance, qui tape, et l’écoute qui claque tels des coups de fusil. Le bateau qui n’avance pas. Rod qui resasse les dernières 24h et qui regrette des options : pourquoi s’être détourné pour éviter un grain la veille, pourquoi un ris les dernières nuits ... ? Il s’inquiète aussi de casser quelque chose ou qu’on reste bloqué dans ce système avec du gros temps annoncé derrière, la fameuse « Onde d’Est ». La transat est foutue si on sort pas de là !.. Gros stress et gros bad à bord. Et trop loin de l’arrivée pour envisager beaucoup de moteur... On affale même la GV en pleine nuit pour protéger le matos et arrêter le vacarme et les coups. Pour 45 minutes seulement, un vague espoir de petit souffle qui ne dure pas… La matinée qui suit est tout aussi compliquée. Il fait une chaleur écrasante, pas de vent. Stress et anxiété de ne pas avancer et de rester bloqués sont au max. On tente tout pour avancer et sortir de là : en quelques heures et après la nuit cata : moteur, envoi de spi, envoi de gennak… Finalement, je tente une sieste après un vague dej et au réveil, je sens déjà le bateau plus rapide, je sens la fraîcheur en montant la descente, je vois rapidement la mer plus agitée avec même quelques moutons ; direct je regarde les afficheurs à tribord et hourra, 14 nœuds !!! Ça y est, on est sorti de la pétole et on est sauvés ! Bonheur et soulagement intenses après les heures de stress, d’inquiétude, d’incertitude et de fatigue. Je crois que ce moment reste le plus fort de la traversée !
Le reste de la traversée se continue avec ses petits rituels. Celui du point nav et carto de midi reste le challenge : combien de mille les dernières 24H ? Où sommes-nous sur la carte ? Au début, on pointait sur la carte tous les jours. Par la suite, on a bien relevé tous les jours les coordonnées et la distance parcourue sur 24 h mais on a sorti la carte 1 jour/2 pour reporter les 2 derniers relevés. Ça a finalement donné l’impression de se rapprocher plus vite !
Les derniers jours approchent. Les journées restent calmes mais ce sont les nuits qui se gâtent avec les premiers grains. Au début, pas beaucoup. On trouve ça rigolo de se rafraîchir et on est même content de rincer le bateau ! Mais assez rapidement, les choses se sont intensifiées, et toujours la nuit ! Presque à horaires fixes, en début de nuit, et je n’en ai finalement essuyé que quelques uns de 0 à 3 mais je récupère un Rod un peu soucieux surtout la nuit où on n’avait pas pris de ris !
Dernières heures passées vite également. On commence à calculer un horaire d’arrivée et on décide de ralentir et d’affaler la GV pour la dernière nuit et arriver au petit jour. Ce sont les lumières de la Martinique en pleine nuit qu’on commence à voir en premier. On est tous les deux debout à 3h, un peu euphoriques, fatigués, mais aussi concentrés car il va falloir maintenant éviter les casiers pour l’arrivée ! Le soleil se lève doucement, la côte se révèle de plus en plus. Oscar se réveille juste à temps pour apercevoir la baie de Sainte Anne, notre point de chute. Rod en bon régatier crée une ligne d’arrivée : 12 jours et 16 h ! On est impressionné par le nombre de bateau mais arrivés sur place, on trouve rapidement une place et on mouille facilement comme si on arrivait dans un mouillage quelconque ! Un peu incrédules, presque comme après une nav un peu plus longue que les autres même si on sait que ce n’est pas vrai ! Les premiers réflexes sont : un plouf, un petit dej et une sieste. Finalement, l’adrénaline est là et impossible de dormir ! On se met donc rapidement à mettre en ordre le bateau qui est au final dans un état plutôt correct, intérieur comme extérieur. Premiers coups de fils à la famille et messages d’arrivée. On dit oui à Mamie Flo pour un déjeuner d’accueil. Mouillés à 7h, on se retrouve à terre dès midi devant un gros barbecue !
Au final, je peux dire que j’ai adoré cette transat mais je suis bien consciente qu’elle n’est pas forcément révélatrice et qu’on a eu des conditions de dingue, un bateau préparé au top, qui n’a rien lâché et avec un capitaine qui assure grave ! Oscar a également été génial : il a assuré l’école, ne s’est jamais plaint et a été adorable même pendant les mauvaises heures et le stress de ses parents dans la pétole ! Comme à toutes les navs, il impressionne par sa patience en bateau ! Merci à eux !!
Reste maintenant à profiter des Caraïbes et à voir ce que va donner le retour ! Une autre histoire !...
La transat vue par Oscar :
Je tiens un journal de bord depuis le début du voyage et voici quelques extraits de la transat :
- Le 12 novembre : Le début de la transat était bien et on a vu plein de poissons volants (mais pas de dauphins). On a fait des manœuvres pour enlever des algues. On a mis le spi et le gennak mais on les a finalement enlevés pour laisser place aux foc tangonné. Je passe mes journées à jouer au UNO, au DOOBLE, à faire des mots fléchés avec maman et à faire des devoirs.
- Le 15 novembre : Jusqu’ici tout va bien. Je passe mes soirées à regarder des films (Harry Potter). Il y a des grains depuis 2 jours et ils ont rincé le bateau. On a pris des douches.
- Le 21 novembre : Nous sommes arrivés depuis 1 jour et demi à la Martinique. Nous avons vu mamie Flo et nous avons déjeuné chez elle. L’eau est très chaude (elle est à 27.3 degrés) et on s’est baignés dès qu’on est arrivés !
J'adore "Par Jupiter" ! C'est mon SAS de décompression en sortant de l'école avec de remettre le nez dans mes bouquins ! Maintenant je penserais à votre transat. 12 jours... Bravo !